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Prêts à impactpositif

Alors que les problématiques de développement durable suscitent toujours plus d’intérêt, les prêts à impact semblent être une solution financière particulièrement pertinente

Développés en 2017, ces crédits permettent aux entreprises qui s’engagent dans une stratégie RSE de profiter de taux d’intérêt avantageux pour financer tous types de projets. Pourtant, ce marché en pleine expansion soulève également de nombreux questionnements, notamment sur les intentions des entreprises qui en bénéficient. Pour répondre à nos questions, nous avons rencontré Luis Reyes, Directeur Académique du Msc Sustainable Finance à la KEDGE Business School.

Quelles sont les caractéristiques d’un prêt à impact positif ?

Contrairement à un prêt classique, les critères d’éligibilité ne sont pas définis selon le projet à financer, mais selon la politique RSE de l’entreprise. Afin de bénéficier d’un prêt à impact, l’entreprise doit donc définir des objectifs ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) précis à atteindre. Ces prêts ne sont donc pas uniquement liés au développement durable, mais peuvent également reposer, entre autres, sur des critères d’inclusivité. Si l’entreprise remplit sa part du marché, elle bénéficiera alors de taux réduits pour financer le projet de son choix, qu’il soit ou non lié à des problématiques sociales ou environnementales. Comme le souligne M. Reyes, « ce sont surtout les grandes entreprises qui sont éligibles aux prêts à impact. Cet instrument n’est pas à la portée de tout le monde ».

Prêts à impact, prêts bonifiés, green bonds… Quelles différences ?

Le prêt à impact n’est pas à confondre avec d’autres types de prêts à critères sociaux ou environnementaux. Contrairement aux prêts bonifiés qui s’adressent également aux particuliers, comme avec les prêts à taux zéro, par exemple, les prêts à impacts sont uniquement destinés aux indépendants, aux collectivités, ou aux grandes entreprises. Les prêts participatifs, quant à eux, s’adressent aux entreprises avec un projet de développement, mais ne reposent sur aucun objectif ESG. Enfin, les prêts liés à des obligations vertes, ou green bonds, financent uniquement des projets environnementaux contrairement aux prêts à impact qui n’imposent aucune restriction d’éligibilité concernant le type de projet, ce qui permet notamment à des entreprises du gaz et du pétrole comme Eni d’en bénéficier.

Quels défis aujourd’hui pour le marché des prêts à impact ?

Un des grands enjeux auxquels se retrouve confronté le marché des prêts à impact est le manque de régulation prédéfinie permettant d’évaluer les propositions des entreprises – chaque banque suivant ses propres normes.

Pour proposer une solution à cette problématique, la LMA (Loan Market Association, dont l’objectif est de favoriser le développement du marché secondaire des prêts en Europe) et l’ELFA (European Leveraged Finance Association, une association professionnelle d’investisseurs actifs sur le marché européen du financement avec effet de levier) ont défini des recommandations pour la mise en place de ces prêts selon cinq critères : le choix des indicateurs clés de performance (KPI), l’ajustement des objectifs de performance de durabilité (SPT), la définition des caractéristiques du prêt, la transparence sur les performances réalisées (reporting) et la vérification extérieure pour la validation des objectifs.

Ces principes sont également énoncés afin d’éviter des cas de greenwashing, mais n’ayant aucun poids juridique, ils n’empêchent pas certaines entreprises de bénéficier de ces prêts sans mettre en place de véritables efforts. Comme l’indique Luis Reyes, « les recommandations et les guides de bonnes pratiques existants n’engagent pas concrètement les acteurs. Il n’existe pas de législation qui force les entreprises à agir en faveur de l’environnement ou être réellement engagé dans une démarche sociale. »

Le manque de régulation au niveau de la transparence permettrait en effet à certaines entreprises d’énoncer des objectifs ESG sans vraiment les remplir tout en profitant des taux avantageux des prêts à impact positif. Pour l’instant, afin d’être éligible à ce genre de prêt, les objectifs définis doivent simplement être « suffisamment ambitieux », ce qui peut permettre à certaines entreprises de s’en sortir avec des propositions facilement atteignables et sans réel impact. « L’enjeu principal des prêts à impact positif reste le caractère non contraignant et l’absence de traçabilité des fonds utilisés. Toutefois, les activités des entreprises qui en bénéficient peuvent aller à l’encontre des objectifs de l’accord de Paris », conclut l’expert.