Oney leader du paiement fractionné en Europe

Le digital, levier del’économie circulaire

Pour s’adapter aux enjeux de demain tout en restant compétitives, les entreprises s’interrogent sur leur manière de consommer et se tournent vers la sobriété numérique. Selon un rapport de GreenIt, les services numériques représentent 4,2 % des émissions européennes de gaz à effet de serre. Il est cependant possible de réduire ce chiffre, et pour ce faire, de plus en plus d’entreprises mettent en œuvre des pratiques liées à l’économie circulaire afin de réduire leur empreinte carbone et d’avancer dans leur transition digitale. Si l’économie circulaire est une philosophie déjà bien connue des entreprises, elle prend un nouvel essor grâce aux pratiques digitales. Nous avons rencontré Christine Guinebretière, experte en éco-innovation et cofondatrice d’Upcyclea – un logiciel de décarbonation et de gestion circulaire du patrimoine – pour qu’elle nous en dise plus sur la place du digital dans l’économie circulaire.

Impact du digital sur l’environnement

La part de la pollution numérique dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre continue d’augmenter. Cela comprend les e-mails, le stockage des données, le streaming… et toutes les transactions et échanges qui ont lieu en entreprise sur le plan digital. Mais au-delà de la pollution générée par l’utilisation, c’est la fabrication des appareils qui fait grimper les empreintes carbones. En France, 76 % des gaz à effets de serre proviennent de la phase de fabrication des appareils, contre 5 % et 2 % pour la fabrication des équipements réseaux et des centres informatiques[1]. Un seul employé, par an, consommerait 5 740 kWh ainsi d’énergie primaire, 800 kg de gaz à effet de serre et serait l’origine de 3 kg de déchets électroniques. Rapporté à un taux journalier, cela signifie un smartphone jeté tous les dix jours[2]. La transition numérique est un réel enjeu pour les entreprises. Il est tout à fait possible de lier sobriété énergétique et efficacité, et cela passe notamment par une utilisation consciente et raisonnée du digital et le développement de nouveaux modèles d’échanges, comme l’économie circulaire.

Christine Guinebretière nous rappelle que « les émissions de carbone sont la conséquence d’une mauvaise conception de l’activité humaine. Notre activité devrait être intégrée dans notre environnement, et pour ce faire il faut concevoir des produits qui soient bons pour la santé et l’environnement, car les deux sont liés. »

Transformer ses pratiques : le digital comme outil de l’économie circulaire

L’économie circulaire est plus connue sous forme matérielle, c’est-à-dire le réemploi, recyclage et réutilisation d’objets plutôt que l’achat du neuf. Depuis 2020, la loi AGEC (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire) oblige les acheteurs de l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements à acquérir des produits qui proviennent d’au moins 20 % de matériaux recyclés ou issus du réemploi.

Cette loi s’inscrit dans le cadre plus général du nouveau plan d’action pour une économie circulaire (CEAP) de l’Union européenne, qui se concentre sur la circularité au sein même de la production et sur la revalorisation des déchets, et espère à terme pouvoir transcrire ces innovations dans le domaine digital. Car en effet, il est possible de mettre en œuvre l’économie circulaire grâce au numérique, et ce dernier en est même un véritable outil, grâce à son pouvoir transformateur qui permet de faire rapidement évoluer les choses.

Pour Upcyclea, cela se traduit par exemple par l’utilisation de la norme Cradle to Cradle, qui constitue « l’unique certification internationale des produits sains et circulaires à impact positif sur la santé et l’environnement », nous indique sa fondatrice. « Les demandes de certification sont de plus en plus nombreuses partout dans le monde puisque les grands industriels se battent enfin contre le greenwashing pour prouver que leur activité est durable pour les futurs reporting CSRD extra financiers, mais aussi prouver à leurs clients que leurs produits n’auront pas d’impact négatif sur la santé et l’environnement. »

La pierre angulaire de l’économie circulaire digitale est le partage de données : l’accès plus rapide et pour tous à des informations précises permet d’améliorer les échanges entre les acteurs et de mettre le doigt sur les éventuelles inefficiences. Mettre en relation les services intra-entreprises et inter-entreprises fait gagner du temps et réduit donc la pollution causée par l’activité sur le web. L’implication de l’IA dans les processus s’inscrit dans la même optique et permet d’éviter les pertes et de redistribuer les ressources là où elles sont requises. Par exemple, la plateforme d’Upcyclea permet à ses utilisateurs de concevoir des bâtiments ne générant pas de déchets grâce à l’ensemble de données qu’elle propose : sa librairie de passeports circulaires et sa banque de données permettent de sélectionner les meilleurs matériaux en fonction de leurs performances environnementales et au big data.

Les fabricants peuvent eux-mêmes saisir leurs informations sur la plateforme, ce qui souligne l’aspect collaboratif de la plateforme – en écho à l’économie circulaire. De cette collaboration découle de l’autonomie, grâce au digital et à l’accès simplifié aux données. L’utilisation de ces nouveaux outils donne naissance à de nouveaux métiers, comme le Resource Management. Christine Guinebretière nous explique que  « le Resource Management, plutôt que le Waste Management, peut être soit au service des achats, soit au service qualité. Les Resource Managers vont ainsi être garant de toute la qualité des produits et matériaux qui vont rentrer dans l’entreprise et la façon dont ça va être géré. Cela va devenir un métier très important au sein des entreprises. »

 

Le digital est également utilisé comme plateforme pour développer l’économie circulaire. Par exemple, SUEZ a lancé en 2017 une place de marché digitale, Organix, qui met en relation différents acteurs pour faire en sorte que des produits vus comme des déchets par certains secteurs puissent être réutilisés par d’autres (déchets verts, denrées alimentaires invendues, produits agricoles…). Une telle initiative peut servir de modèle au sein même des entreprises pour favoriser les échanges plutôt que l’achat du neuf.

La transparence du digital est aussi un autre élément clé pour s’inscrire dans la sobriété numérique. La blockchain est un des moteurs de l’économie circulaire digitale. C’est un registre numérique décentralisé qui conserve des transactions et événements et demeure infalsifiable. La blockchain permet de tracer avec précision des produits et des transactions, et donc d’éviter le gaspillage ou la fraude. Elle garantit aussi la qualité des produits et matériaux qui n’étaient pas forcément réutilisés dans le passé car de qualité trop incertaine, comme les matériaux des téléphones ou les déchets du BTP.

Même si la blockchain reste très énergivore et repose sur le minage continu par les fermes de serveurs, ces procédés sont en voie d’évolution, avec des plateformes comme Tezos et EOSIO dont les processus de génération et algorithmes alternatifs visent la neutralité carbone.

Le digital est donc un réel levier de l’économie circulaire, et les entreprises ont tout intérêt à s’en servir pour transformer leur modèle économique et réduire l’impact environnemental du numérique, puisque transition écologique et transition numérique sont étroitement liées. Grâce à diverses plateformes et outils, les entreprises peuvent valoriser leur activité et leur production, et générer des bénéfices au lieu de déchets. Christine Guinebretière fait ainsi la comparaison avec l’Argus :  « Quand on est propriétaire d’une voiture, on l’entretient pour des raisons de sécurité et aussi pour la revendre à la plus haute valeur possible. Cela devrait être pareil avec l’immobilier et les autres secteurs. »

[1] https://www.greenit.fr/impacts-environnementaux-du-numerique-en-france/

[2] https://www.greenit.fr/2018/10/11/wegreenit-quantifie-empreinte-numerique/